Le Kasaï face à une pratique tenace
Au cœur du Grand Kasaï, en République Démocratique du Congo, le mariage des enfants reste une problématique alarmante. Près de 60 % des filles sont mariées avant 18 ans, et 8 % avant 15 ans. Ce phénomène, alimenté par la pauvreté, par des croyances négatives et des traditions profondément ancrées, est exacerbé par un faible taux d’enregistrement des naissances qui limite la protection des droits de l’enfant.
Face à cette réalité, de jeunes filles kasaïennes, membres du réseau U-Report soutenu par UNICEF, ont décidé de prendre leur avenir en main et de devenir les porte-voix d’un changement social.
Une jeunesse qui s’engage et transforme les mentalités
En 2025, treize communautés U-Report ont été mobilisées dans quatre territoires de la province. Leurs membres, notamment les jeunes filles, ont été formés à la protection de l’enfance, à l’hygiène menstruelle et à la communication sociale. Leur mission : informer, sensibiliser, mobiliser.
Grâce à des séances dans les écoles, des réunions de quartier, des campagnes digitales et des actions communautaires, ces jeunes filles ont bousculé les normes sociales établies, tout en respectant les hiérarchies traditionnelles.
L’approche a intégré des thématiques variées comme l’hygiène menstruelle, la violence basée sur le genre et l’accès à l’éducation.
Une stratégie inclusive et adaptée au contexte
En s’appuyant sur des outils de communication contextualisés et une approche événementielle sensible à la culture kasaïenne, les jeunes filles et les autres membres des communautés U-Report ont mené des actions concrètes. Des campagnes d’assainissement ont été organisées dans plusieurs marchés.
Béatrice, 17 ans, résidente de Kamako, entrain d’assainir son avenue avec sa communauté U-Report.
Des sessions d’information ont eu lieu dans douze établissements scolaires, dont l’Institut Technique Médical de Mweka. Une campagne numérique intitulée #NonAuMariageDesEnfants a permis d’élargir la portée du message à l’échelle provinciale.
À l’occasion de la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, vingt-deux groupes de filles ont participé à des réunions de quartier pour échanger sur des sujets encore trop souvent tabous. Cinquante jeunes filles ont été désignées comme porte-paroles et formées pour s’exprimer en public sur des questions comme les règles menstruelles ou le droit des filles à prendre la parole.
Résultats visibles et futur prometteur
Ce modèle d’action locale centré sur le leadership féminin a permis de repositionner les filles comme actrices à part entière de la transformation sociale. Leur reconnaissance grandissante dans les communautés et par les partenaires témoigne de l’efficacité de cette approche.
Autrefois destinée au mariage précoce, elle témoigne : « Grâce aux activités d’U-Report, j’ai compris que j’ai le droit d’apprendre et de choisir ma vie. Aujourd’hui, je sensibilise d’autres filles dans mon quartier. »
L’initiative a posé les bases d’un futur réseau national de jeunes filles leaders, né au Kasaï et appelé à inspirer d’autres provinces. Ce réseau vise à renforcer les synergies, mutualiser les bonnes pratiques et bâtir une génération de filles autonomes, éclairées et influentes.
Antoine Kabinga,
SBC Officer, Bureau Terrain Tshikapa
