Olivier, pair éducateur, lors d’un dialogue communautaire avec une communauté des Rasta, à Moba, dans la province de Tanganyika.
La province du Tanganyika, en RDC, est régulièrement affectée par des conflits intercommunautaires qui fragilisent la cohésion sociale. Les jeunes, souvent instrumentalisés dans ces tensions, sont à la fois victimes et vecteurs de désordre, ce qui accentue les divisions et entrave les efforts de paix.
Pour répondre à cette problématique, UNICEF, avec les fonds du Peace Building Fund et en partenariat avec la Direction Provinciale de la Jeunesse, a lancé entre août 2024 et décembre 2025 une initiative d’encadrement des adolescents et jeunes dans les territoires de Kalemie, Kabalo, Moba et Nyunzu.
L’objectif principal des jeunes du Tanganyika est de booster leur participation aux dynamiques de paix à travers le développement de compétences en médiation, leadership communautaire et communication sociale. Parce que le défi structurel identifié était la faible participation des jeunes aux dynamiques locales de paix et de cohésion sociale.
L’intervention a rapidement suscité une forte appropriation locale : les jeunes se sont engagés activement dans leurs communautés, créant des espaces de dialogue et de sensibilisation autour des valeurs de paix, de tolérance et de cohésion sociale. Cette expérience confirme le potentiel des jeunes comme catalyseurs de transformation sociale, lorsqu’ils sont outillés et intégrés dans les processus communautaires.
Une stratégie fondée sur la participation et l’ancrage local
Pour arriver à avoir les jeunes pleinement engagés et compétents dans leurs actions communautaires, différentes stratégies ont été mises en œuvre :
- 1. Identification communautaire : 27 groupes de jeunes ont été sélectionnés pour leur engagement local. Des membres ont été désignés comme acteurs de changement.
- 2. Renforcement de capacités : 125 pairs éducateurs ont été formés sur la Résolution 2250, la gestion des conflits, les VBG, la communication interpersonnelle et les Pratiques Familiales Essentielles.
- 3. Clubs de paix communautaires : trois (3) clubs ont été créés à Kalemie, Kabalo et Nyunzu pour animer des séances de dialogues, organiser des représentations du théâtre participatif et organiser des campagnes de proximité.
- 4. Mobilisation communautaire : Leaders religieux, chefs de quartiers, enseignants et autorités locales ont été associés pour renforcer l’acceptation sociale.
- 5. Gamification et U-Report : Les jeunes ont utilisé des jeux-concours, du théâtre de rue et des campagnes numériques pour diffuser des messages de paix.
- 6. Activités Génératrices de Revenus (AGR) : trois(3) micro-projets ont été financés pour renforcer le vivre-ensemble et l’autonomisation économique des jeunes.
Cette intervention a été rendue possible grâce à une synergie de plusieurs acteurs dont UNICEF, le Secrétariat Technique du Ministère de la Jeunesse chargé de la mise en œuvre de la Résolution 2250, la Division Provinciale de la Jeunesse et les autorités déconcentrées dans les territoires ciblés. Les leaders communautaires, les enseignants et les Leaders des confessions religieuses ont aussi été étroitement associés a cette intervention.
Aimée Migabo, paire éducatrice du club de paix de Kalemie, lors d’une activité de mobilisation des jeunes pour des activités de promotion de la paix.
« Dans mon quartier, un conflit a éclaté entre deux voisins à cause d’un avocatier utilisé comme limite de parcelle. Un des voisins l’a coupé sans prévenir l’autre. En représailles, l’autre a détruit la clôture commune. Grâce à la formation reçue comme paire éducatrice, j’ai facilité un dialogue. Le voisin fautif a demandé pardon, et le calme est revenu. Ce jour-là, j’ai compris qu’avec de bonnes compétences, on peut ramener la paix », dit-elle.
Aujourd’hui, Aimée anime des causeries, aide à résoudre des conflits et sensibilise les jeunes. Elle incarne un leadership féminin inspirant pour d’autres jeunes.
Des résultats probants et des perspectives ambitieuses
De ce travail qui a duré 17 mois, des résultats plus qu’encourageant ont été enregistrés au bénéfice de la cohésion sociale :
L’impact de cette intervention pour la cohésion sociale au travers des acteurs que sont les jeunes se voit au travers des témoignages enregistrés.
Une jeunesse regardant l’avenir avec sérénité.
Fort de ces acquis, l’initiative s’est étendue dans les villages avoisinant les lieux d’implantation des clubs de paix. De jeunes ont été formés par les membres des clubs de paix, répliquant les formations initiales reçues.
L’analyse des dynamiques observées au cours de l’intervention a permis de dégager plusieurs enseignements pertinents pour la conception et la mise en œuvre de programmes communautaires de paix sensibles au genre et au contexte local :
- 1. L’implication des filles renforce la médiation inclusive, notamment dans les conflits impliquant des femmes.
- 2. L’ancrage local des jeunes est essentiel pour garantir l’appropriation communautaire et l’impact durable.
- 3. L’engagement des autorités administratives est déterminant en contexte de conflit ouvert pour légitimer les plateformes de dialogue.
Cette intervention positive illustre le potentiel des jeunes de la RDC à devenir des piliers de la stabilité et du développement communautaire, quand ils sont outillés et coachés de manière adéquate.
Jérémie MWAMBI
Consultant SBC - Ados & Jeunes / Kinshasa